L'A380 prend son envol commercial Tout est prêt pour la fête chez Airbus à Toulouse. Lundi 15 octobre, Singapore Airlines prend livraison de son premier A380, l'avion géant que la compagnie mettra en service le 28 octobre sur la ligne Singapour-Sydney.
Jusqu'au bout, le secret a été bien gardé sur l'aménagement intérieur de ce paquebot des airs de 471 places. Tout particulièrement, sur les 12 nouvelles suites installées sur le pont principal et les 60 classes affaires du premier étage.
Le vol inaugural aura lieu le 25 octobre. Il emmènera, outre les invités, les passagers ayant acheté leurs billets aux enchères sur eBay. La recette, estimée à 1,3 milliard de dollars, sera entièrement reversée à des œuvres caritatives.
Singapore Airlines entend profiter de son avance sur ses concurrentes, qui ne recevront leurs A380 qu'à partir de l'année prochaine. Etre la première compagnie à utiliser l'avion avait été l'une des conditions posées par le transporteur asiatique pour faire partie des "compagnies de lancement" de l'avion géant, aux côtés notamment d'Emirates, de Qantas, d'Air France et de Lufthansa. Etre le premier en terme d'image est essentiel. Ainsi Lufthansa et Air France ont été en compétition pour être la première compagnie européenne à voler en A380 en 2009. La compagnie française l'a emporté sur sa concurrente allemande.
Quand un constructeur aéronautique décide de lancer un nouvel avion, il propose aux compagnies aériennes d'être associées au programme. Elles n'apportent pas d'argent, mais leur expertise. Au sein de groupes de travail, elles suggèrent des aménagements ou des améliorations à apporter à l'avion. Ainsi par exemple, l'une de leurs exigences a porté sur le niveau de bruit de l'A380. Elles ont demandé qu'il soit le plus bas possible pour pouvoir décoller très tôt ou atterrir très tard à Heathrow, l'aéroport de Londres - le troisième au monde en terme de trafic, après Chicago et Atlanta -, en gênant au minimum les habitants riverains des pistes.
En contre-partie, les compagnies de lancement s'engagent à acheter le nouvel avion, et bénéficient pour cela de tarifs avantageux. Avec ces premières commandes fermes, l'avionneur peut lancer la production industrielle de l'appareil. Car l'investissement est colossal : pour l'A380, il s'élève à 10,7 milliards de dollars, soit l'équivalent du coût du Tunnel sous la Manche. Et 50 000 personnes y travaillent chez Airbus.
C'est en décembre 2000, que le constructeur européen a décidé de lancer l'A380. L'objectif était de concurrencer le 747 de Boeing, qui occupe seul le créneau des gros-porteurs depuis trente ans. Pour cela Airbus conçoit un avion plus gros, à deux étages, pouvant transporter de 550 à 800 personnes, contre "seulement" 400 pour le 747.
L'avion a été découpé en plusieurs tronçons, dont la fabrication a été attribuée selon les compétences traditionnelles de chacun des partenaires d'Airbus : aux Britanniques, la voilure, aux Français, la partie avant et centrale du fuselage, aux Allemands, l'arrière, aux Espagnols, l'empennage et la dérive. Chaque pays doit livrer des équipements complets qui sont assemblés à Toulouse. 6 500 ingénieurs sont mobilisés. Cela aboutira, en 2004, à l'assemblage du premier appareil, dont le vol inaugural a eu lieu le 27 avril 2005.
C'est alors que le programme commence à déraper, en raison de problèmes de production. L'usine de Hambourg, en Allemagne, a des difficultés pour fabriquer le tronçon arrière de l'avion, notamment son câblage électrique. Le problème est d'autant plus important que, dans un avion comme l'A380, courent 500 kilomètres de fils électriques.
Autre difficulté : chaque avion est pour ainsi dire particulier, les clients ayant demandé des aménagements spécifiques. Une compagnie a demandé l'installation de douches alors qu'une autre aurait envisagé d'y créer un casino et même des chambres à coucher.
Malgré les déboires, la crise industrielle et les scandales financiers qui ont secoué Airbus et sa maison mère EADS depuis plus d'un an, l'avion géant fait toujours rêver.
Des clients qui s'étaient tenus à l'écart pendant les turbulences commencent à s'y intéresser. Bristish Airways a ainsi commandé au début du mois douze A380. Une décision majeure pour Airbus, car jusqu'alors la compagnie britannique avait toujours choisi des Boeing pour sa flotte de longs courriers. Le tour-opérateur espagnol Marsans en a acheté quatre, jeudi, ce qui porte à 169 le nombre d'A380 commandés. Malgré deux ans de retard par rapport au calendrier initial, le décollage du premier A380 commercial s'annonce à nouveau prometteur. Reste maintenant à être sûr que les ennuis industriels d'Airbus sont désormais terminés, et que l'avionneur sera capable de tenir ses livraisons et son objectif de sortir quatre avions par mois à partir de 2010.
Source sur le site "Le Monde.fr".
DIAPORAMA "L'Airbus A380, une aventure industrielle"