La pêche du thon à la madrague (ou tonnara en Italie) se pratiquait depuis des siècles jusqu’à ce
que les conditions économiques et la concurrence des thoniers
« senneurs », aidés par différents moyens de détection , radars,
sondeurs, avions ou hélicoptères, devienne trop forte.
Depuis des temps immémoriaux, les pêcheurs du pourtour sud
de la Méditerranée pratiquaient cette pêche saisonnière destinée
essentiellement à la capture du thon rouge de l’Atlantique qui pénètre en Méditerranée
au printemps pour se reproduire dans ses eaux plus chaudes, en suivant les
côtes dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
auteur inconnu
Ces piéges ont été perfectionnés par les Phéniciens et se
sont implantés sur tout le pourtour de la Méditerranée et le sud de la
péninsule ibérique.
Ils sont constitués d’une sorte d’entonnoir avec un grand
côté ( 3 kilomètres à Favignana !) dont l’extrémité est fixée à
terre.
Les filets sont maintenus en place par des ancres et, parfois, des
perches verticales. Le bout de l’entonnoir mène à plusieurs « chambres
« successives dont il faut ouvrir et refermer, les unes après les autres,
les portes d’entrée et de sortie au fur et à mesure de l’arrivée des bancs de
thon dans le piège.
http://www.ifremer.fr/docelec/doc/2003/these-65.pdf
Ce travail, confié a des plongeurs depuis maintenant quelques décennies, conduit au
remplissage de la dernière « chambre » par quelques centaines
d’individus qui, au moins au mois d’avril ou mai, n’ont pas encore eu le temps
de frayer cette année là. Le responsable de la madrague, appelé
« Raïs » en Sicile et au Maghreb décide du jour de la pêche des thons
en fonction du cours du yen, du prix sur le marché Japonais et de la météo.
Ce jour là, des dizaines de pêcheurs se rendent sur place en
bateaux anciennement à rame, maintenant remorqués par un bateau à moteur. Sur
le plus grand des bateaux, une vingtaine de mètres de long, surmonté de
quelques mâts de halage de 5 ou 6 mètres de haut, ont pris place une cinquantaine de personnes. Ce
bateau se place sur un coté de la dernière chambre appelée « chambre de la
mort ».
http://www.favignana.com/mattanza/index.asp
Les autres embarcations se placent au bord des autres cotés du
rectangle, la barque du « raïs » restant au milieu. Cette dernière
chambre a la particularité d’avoir un fond relevable, le travail va donc consister,
dans un premier temps, à relever le fond du filet jusqu’à ce que les
poissons du dessus ne puissent plus nager. Il faudra alors faire passer les
poissons a bord du bateau principal. Suivant le poids des thons (certains
dépassent 500 kilos !) ce travail incombera à deux, quatre ou six
personnes , armées de crochets plus ou moins longs, au risque de quelques coups
de queue douloureux..
http://www.favignana.com/mattanza/index.asp
Le filet est remonté au fur et à mesure et le massacre (ou « mattanza ») continue jusqu’aux derniers poissons qui sont
souvent ramenés par des pêcheurs marchant sur le filet. Les poissons sont
aussitôt conduits au port pour être le plus souvent congelés et exportés. Au siècle
dernier, des conserveries mettaient en boîte le poisson sur place , donnant
ainsi aux femmes l’occasion de gagner un peu d’argent grâce à cette manne saisonnière.
Chaque port de la région possède encore des conserveries désaffectées
facilement identifiables sur Google Earth par leurs longs toits.
Les dernières tonnara qui ont fonctionné (ou fonctionnent
encore ?) sont, à ma connaissance, celle de San Pietro, petite île du sud
ouest de la Sardaigne, et celle(s) de Favignana, petite île à l’ouest de Trapani, en Sicile.
San Pietro 39 08 25,71 N 8 16 42,64 E
Favignana 37 55 55,98 N 12 18 48,49 E
Les raisons qui ont conduit à l’extinction de ce type de pêche sont multiples, mais essentiellement
dues au prix des filets et des systèmes de mise en place de ceux-ci, avec pour
corolaire un très grand nombre de personnes indispensables au déploiement de
ces pièges, leur maintenance et leur exploitation….
Edit: voir plus bas , les "almadraba" qui subsistent sur les côtes PortugaisesMalgré le prix exorbitant auquel le thon rouge est vendu aux
marchands de sushi japonais (on atteint en début de saison des prix de l’ordre
de 150 €. le kilo…) il est en effet difficile de mobiliser 70 ou 80 personnes
d’avril à juillet pour un résultat assez aléatoire, surtout quand les quotas
attribués aux différents protagonistes sont doublés par la pêche illégale ( les
6 thoniers qui subsistent en Espagne disposent du même quota que les 36
thoniers Français, où est l’erreur ?) et rarefie d’autant une ressource
qui devient plus que jamais exsangue car il n’y a plus un kilomètre carré des
zones de migration et de ponte du thon rouge qui ne soit espionné par des
dizaine de sondeurs, radars, avion voire satellite… De là a dire que le thon
rouge va disparaître totalement, il n’y a qu’un pas, que je franchis, avec
désespoir.
Comment conclure sans évoquer les conditions actuelles de la pêche au thon rouge en Méditerannée?
J'ai visité le petit port d 'Ampollia, au sud de Tarragone, justa avant le delta de l'Ebre:
40 48 35,43 N 0 42 38,64 E
C'est là que sont amarrés les 6 thoniers Espagnols autorisés à exploiter les quotas.
Tous les moyens moderne sont bons pour traquer le poisson, sondeurs, radars etc...
Les petites chaloupes à l'hélice protégée contournent et enferment le banc de poissons dans la senne.
Et à quelques encâblures, les parcs d'engraissement des thons capturés, invisibles sur Google Earth. Ils sont en mauvais état !
Photos perso
J'ai beaucoup appris en lisant cela:http://www.ifremer.fr/docelec/doc/2003/these-65.pdf
http://www.favignana.com/mattanza/index.asp
http://www.greenpeace.fr/presse/oceans/Mais%20ou%20est%20passe%20le%20thon%20rouge.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Madrague
http://pressecorsetv.free.fr/mattanza.html
http://www.greenpeace.org/france/news/p-che-au-thon-rouge-le-suici
https://www.dailymotion.com/vids/14051628+13986414+14059549+14043975+13985316/video/x8brzi_surpeche-26_news?hmz=746162766964656f