Sujet: Grande Hotel - Beira - Mozambique Lun 22 Juin 2015, 00:57
le "Grande Hotel" à Beira au Mozambique. 19°50'50.27"S 34°50'28.77"E
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Ce sujet m'a été inspiré par une chanson de Bob Dylan (sans doute inspiré lui-même par notre Grande Hotel) que j'aime beaucoup, "Mozambique", dans laquelle il ironise sur le tourisme luxueux (et éventuellement sexuel) dans des pays très pauvres et en période troublée... Voici donc cette chanson que vous pourrez écouter tout en lisant la suite :
I like to spend some time in Mozambique The sunny sky is aqua blue And all the couples dancing cheek to cheek. It's very nice to stay a week or two.
There's lots of pretty girls in Mozambique And plenty time for good romance And everybody likes to stop and speak To give the special one you seek a chance Or maybe say hello with just a glance.
Lying next to her by the ocean Reaching out and touching her hand, Whispering your secret emotion Magic in a magical land.
And when it's time for leaving Mozambique, To say goodbye to sand and sea, You turn around to take a final peek And you see why it's so unique to be Among the lovely people living free Upon the beach of sunny Mozambique.
Quel destin que ce luxueux "Grande Hotel" ! Construit en 1952, par une compagnie coloniale proche du dictateur fasciste portugais Salazar, il était destiné à accueillir une clientèle africaine fortunée en provenance de Rhodésie (aujourd'hui Zimbabwe), d'Afrique du Sud mais aussi du Portugal. Conçu par l'architecte Fransico de Castro comme un symbole de l'Estado Novo portugais, ce gigantesque bâtiment "art déco", comportait une piscine olympique, un cinéma, des échoppes, une banque...
Mais l'hôtel n'eut pas le succès escompté spécialement parce que les nombreux touristes blancs de Rhodésie à revenus moyens ne pouvaient pas se permettre un tel luxe et préféraient les plages de Macuti à 8 km du centre de Beira. Signalons que seules les personnes de race blanche avaient accès à l'hôtel et à la piscine.
Après seulement 8 ans, l'hôtel, pas rentable, dut fermer. On pensa le transformer en casino mais Salazar pensa qu'il était moralement inapproprié d'avoir une maison de jeu dans les colonies africaines (on place la morale où l'on veut quand on est dictateur).
Dans les années qui suivirent, il ne fut utilisé que deux fois, pour une conférence et pour un mariage. La piscine, quant à elle, devint la piscine d'entraînement de l'équipe olympique de natation mozambiquaine.
Après l'indépendance du Mozambique en 1975, le bar de la piscine devint le bureau du Comité révolutionnaire du Frelimo, qui était chargé d'établir le socialisme à Beira et la province de Sofala, tandis que le hall principal de l'Hôtel Grande fut utilisé pour des réunions et des événements du parti et le sous-sol est devenu une prison pour les opposants au nouveau gouvernement.
Pendant la guerre civile qui suivit l'indépendance, le "Grande Hotel" devint une base militaire du Frelimo communiste et ensuite un camp de réfugiés pour ceux qui avaient fui la campagne et qui n’osaient pas y retourner de peur de marcher sur une mine anti-personnelle.
Aujourd'hui, ils seraient plus de mille personnes (certains disent 3000) à survivre dans ce squelette d'hôtel, tout, absolument tout ayant été revendu, le marbre des sols, les vitres, le câblage électrique, le bois... On ne se baigne plus dans la piscine, elle sert de lavoir ou d'urinoir.
Un documentaire de la réalisatrice belge Lotte Stoops a été tourné sur l'histoire de l'hôtel. Je n'ai pas trouvé la version intégrale mais un site et la bande annonce ci-dessous :
Un site wikipédia en anglais. Des centaines de photos chez Flickr ou chez Google Un beau reportage photographique du photographe néérlandais Ferry Verhij ici Des vidéos ici
Cet hôtel fut l'objet du défi "image classique" n° 102