La «Nouvelle-France» attire pour la facilité d'y trouver un emploi ou la qualité de ses universités. Montréal «Au Québec, il n'y a pas de stress. En
France, l'ambiance est lourde, l'actualité pesante. Ici, les nouvelles
sont positives.» Cédric Marty, boulanger de 29 ans originaire de
l'Aveyron, savoure son nouveau bonheur. Il vit à Montréal depuis six
mois. Il travaille dans une chaîne de boulangeries où l'ambiance et les
conditions de travail sont meilleures qu'en France. «J'ai un visa de
travail de deux ans. Je ferai un bilan à la fin, mais je pense rester au
Québec», lance-t-il, l'accent chantant.
Un avis que partage
Gaëlle Mazé, une jeune Bretonne de Quimper, licenciée en biologie.
«J'aime le pays. Le climat est chaleureux. Je me sens chez moi. J'ai
envie de travailler au musée d'histoire naturelle de Toronto»,
explique-t-elle. À l'instar de cette jeune femme de 23 ans, les Français
sont «Dingues du Québec», comme l'a titré récemment le
Journal de Montréal. Ils partent pour la Nouvelle-France dans un exode sans précédent.
Chaque
année, l'ambassade du Canada à Paris met 6750 permis vacances-travail
(PVT, des visas temporaires d'un an) à la disposition des Français de 18
à 35 ans. À la mi-novembre 2012, ils se sont envolés en 48 heures. Du
jamais-vu! En 2010, il avait fallu un mois et en 2006 près d'un
semestre. «On note une forte augmentation du nombre d'immigrants du
continent européen. Cette progression s'explique par un volume plus
élevé de nouveaux arrivants (…) de France», souligne une toute récente
note du ministère de l'Immigration du Québec.
Des «clandestins français»Près
de 4000 Français ont officiellement immigré au Québec pour les neuf
premiers mois de 2012. Ils étaient 2400 pour la même période en 2011.
S'y ajoutent les 6750 «PVTistes» et au moins autant d'expatriés avec
d'autres types de visas temporaires, ainsi que 10.000 étudiants dans les universités québécoises
(un chiffre en forte hausse). «Et c'est compter sans les clandestins
français. J'en connais énormément», chuchote Gaëlle. «Mon visa est
expiré, mais je ne veux pas retourner en France. Tout est plus simple
ici pour trouver du travail», dit Romain, serveur sans papiers dans un
restaurant montréalais.
Environ 150.000 de nos compatriotes vivent
dans le pays. Le président de l'association Accueil français de Québec,
Georges Mosser, confie: «Depuis un semestre, le nombre de demandes de
renseignements de Français par courriel a doublé, avec une augmentation
sensible des artisans ou des petits entrepreneurs, qui font un voyage
d'étude avant de faire le grand saut.»
«Ah la
french invasion!
C'est une immigration audible», dit en riant le député néodémocrate
Alexandre Boulerice. Les autorités québécoises veulent des Français
jeunes et diplômés. Les Québécois, eux, n'apprécient pas forcément ces
cousins à la grammaire «parfaite», qui agace.
L'immigration
française est rarement fiscale ; moins de 2 % sont des investisseurs.
Les raisons n'en sont pas moins essentiellement économiques, liées à
l'emploi, même si une majorité, sans doute par fierté, s'en défend. Si
le Canada attire, c'est parce que le taux de chômage n'y est que de
7,2 %, un taux réel, sans traitement administratif. Les procédures
d'embauche sont simples et dénicher une «jobine», un «petit boulot», est
facile.
Pour les immigrants à la recherche d'un travail qualifié,
et malgré un déficit de main-d'œuvre, l'ultraprotectionnisme des
employeurs québécois impose vite des limites. Si «le Canada offre
beaucoup d'opportunités professionnelles», relève Julie Meunier,
administratrice du site pvtistes.net, elle met en garde contre l'eldorado présenté par certains médias.
Les «oubliés de Buffalo»«J'ai
parfois l'impression qu'on ne dit pas la vérité», ajoute-t-elle. Les
autorités veulent plus d'immigrants pour combler un déficit de
main-d'œuvre, mais elles ont diminué les moyens des agents de
l'immigration et fermé des consulats. Ce qui indigne Alexandre
Boulerice, venu soutenir un groupe d'immigrants «oubliés» par Ottawa.
«Je reçois des appels désespérés de nombreux Français», dit le député.
Le gouvernement fédéral a demandé à ces immigrants de déposer leur
demande de résidence permanente au consulat du Canada à Buffalo, aux
États-Unis. Le consulat a fermé au début 2012. Les dossiers sont
bloqués.
«Je n'ai pas de visa et plus de nouvelles de
l'administration canadienne depuis un an. Je ne peux pas travailler»,
raconte Loïc Kerbrat, un jeune infirmier. Avec une centaine «d'oubliés
de Buffalo», comme ils se désignent eux-mêmes, Loïc a organisé une
soirée dans un cabaret montréalais. L'un d'eux monte sur scène. Il se
lance dans une longue déclamation, avant de conclure: «Notre but est
légitime, immigrer. Nous voulons payer nos taxes, nos factures»… au
Canada.
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