Fiumara d'Arte "est un musée de sculpture contemporaine à ciel ouvert, symbiose d’art et de nature. L’itinéraire se déroule en partie le long de la côte, mais principalement dans l’arrière-pays, à travers les forêts : entre les Nébrodes et les Madonies. Ce projet, en évolution permanente, a vu et voit encore engagés des artistes contemporains aussi bien italiens qu’étrangers. Un petit pont signale le passage de la rivière Tusa et, au milieu du lit (presque toujours à sec) s’élève l’œuvre de Pietro Consagra « La materia poteva non esserci » (La matière pouvait ne pas y être), qui marque le début du parcours. Depuis Santo Stefano di Camastra, en suivant le littoral, une gigantesque œuvre apparaît : «il Monumento ad un poeta morto » (Le monument à un poète mort) de Tano Festa, qui ressemble à une fenêtre sur la mer. En nous engageant dans les Nébrodes, nous trouvons en haut d’une colline, une « Curva gettata alle spalle del vento » (Courbe jetée derrière le vent) de Paolo Schiavocampo. Le parcours nous offre la rencontre d’une autre œuvre : « Arianna », de Italo Lanfredini, isolée sur un col, labyrinthe de pierre balayé par le vent et entouré par des monts superbes. De retour sur la route principale en direction de Mistretta, on atteint le Mur de céramique, œuvre collégiale de 40 artistes. Après Mistretta, on tourne en direction de Motta d’Affermo où l’onde bleue de « Energia mediterranea » de Antonio di Palma domine le paysage" (source)

" [...]L'idée de "Fiumara d'Arte" naît en 1982 quand, plein de responsabilités et bouleversé par la perte de son père, Antonio Presti, déjà collectionneur d'art contemporain, pense consacrer un monument à la mémoire de son père et s'adresse au sculpteur Pietro Consagra. Il imagine dès le début ne pas en faire un simple fait privé, une stèle dans son jardin, mais veut donner la sculpture à la collectivité et pense la situer à l'embouchure de la fiumara. Le projet évolue vite et devient plus vaste. Antonio Presti imagine déjà donner vie à un parc de sculptures qui conjugue le langage contemporain à la beauté âpre des lieux. L'inauguration de la sculpture de Consagra, le 12 octobre 1986, coïncide avec l'annonce du musée à ciel ouvert, avec l'accord des maires de la région. Mais, après une communication de la Surintendance de Messine et  par précaution, le maire de Tusa envoie un ordre de suspension des travaux. Entre-temps Presti a déjà contacté un autre sculpteur, Paolo Schiavocampo, à qui il a commandé une sculpture pour la bifurcation entre la route qui mène à Castel di Lucio et une vieille route de campagne, et l'ajoute, comme décoration urbaine qu'il finance lui-même, au projet de restauration de la route dont a été chargée son entreprise.

Il a aussi impliqué le peintre Tano Festa, dont il découvre, lors d'une visite dans son laboratoire à Rome, l'ébauche de  Monument pour un poète mort, dédié à son frère Francesco Lo Savio, qu'il décide de réaliser dans des dimensions monumentales sur la plage de Margi, recevant l'enthousiasme de l'artiste déjà souffrant et l'accord de la Commune de Reitano, qui autorise la construction, vu la réputation de l'artiste et la valorisation du territoire par une œuvre entièrement à charge du promoteur.

[...]L'œuvre de Festa, rebaptisée par les gens Fenêtre sur la mer, est inaugurée le 24 juin 1989, après la mort de l'artiste l'année précédente, avec les œuvres Chambre de la barque en or de Hidetoshi Nagasawa sur le torrent Romei,  Energie méditerranéenne de Antonio Di Palma et  Labyrinthe d'Arianne de Italo Lanfredini.

[...]Paradoxalement, le baptême du projet général de la Fiumara d'arte coïncide cependant avec son arrêt. La  Chambre de la barque en or est mise sous séquestre pendant son inauguration. Le jour même est notifiée aussi une mesure contre Fenêtre sur la mer pour occupation du domaine maritime et pour construction abusive. Cinq mesures judiciaires sont lancées contre les œuvres de la Fiumara et c'est le début d'une suite de procès compliqués qui en bloque le déroulement qui prévoyait également la réalisation d'œuvres de grands maîtres comme l'Espagnol Edoardo Chillida, Fausto Melotti et Arnaldo Pomodoro. Les maires font marche arrière et Presti se retrouve seul face à la justice, même si la presse et le monde de l'art se rangent à ses côtés.

Une interrogation parlementaire est lancée, signée par Bruno Zevi, Giuseppe Calderini, Massimo Teodori, et Francesco Rutelli, qui demandent au Ministre des Biens Culturels et de l'Environnement d'"intervenir avec la plus grande urgence pour faire cesser le gâchis et la persécution des autorités locales à l'égard de l'initiative de Antonio Presti qui a constitué autour de la Fiumara de Tusa un nouvel et exceptionnel ensemble qui regroupe art, culture et paysage de valeur internationale".

[...]C'est le 25 octobre 1993 que tombe la dure sentence prononcée par la Cour d'Appel de Messine. L'ordre de démolition de la Fenêtre sur la mer arrive, elle est considérée comme une construction abusive au même titre que les 15.000 constructions sans permis qu'une loi régionale votée pendant la même période par le gouvernement, mais bloquée ensuite par le Tribunal Administratif Régional, allait sauver. Presti est condamné aussi pour Un virage jeté aux épaules du temps, au total 15 jours de réclusion, 15 millions de lires de contravention et 30 millions de lires d’amende. Les procès contre les trois autres œuvres, Chambre de Barque en or, Energie méditerranéenne, Labyrinthe d’Arianne, sont au contraire déclarés terminés par prescription.

C’est le moment d’une deuxième vague de mobilisation générale et un groupe d’artistes et d’intellectuels sollicite immédiatement à Rome l’intervention du ministre des Biens Culturels Alberto Ronchey, alors qu’une pétition signée par 60 noms de la culture italienne exhorte le gouvernement régional à agir pour éviter la démolition. Du reste il existe une solution à portée de main: selon la nouvelle loi régionale sur les constructions abusives, la démolition peut être évitée dans le cas où la Mairie déclare l’existence d’intérêts publics prévalents, qui sont d’ailleurs évidents pour l’œuvre de Festa. Mais la Mairie fait la sourde oreille; entre-temps le groupe du PDS de l’Assemblée Régionale prépare un projet de loi pour la Fiumara.

A la mi-novembre un document signé cette fois-ci par 3000 représentants de la culture et de l’opinion publique incite l’Assesseur régional aux Biens Culturels et de l’Environnement Saraceno à convoquer une réunion qui semble préluder à l’investiture officielle du gouvernement dans l’affaire de la Fiumara. Dans la Salle Jaune du Palais des Normands à Palerme arrivent des artistes, des poètes, des spécialistes de toute l’Italie, pour demander de sauver la sculpture de Festa. Mais cette fois encore il n’arrive rien et seul l’appel en Cassation de Presti reporte la démolition annoncée. Le 23 février 1994 la Cour de Cassation clôt l’affaire en annulant l’ordre de démolition, les dispositions de la Cour d’Appel et les requêtes de la Procure de Messine. A l’hôtel-musée, on fête l’événement en inaugurant huit nouvelles chambres d’artistes. La Fiumara (et la Fenêtre) est sauvée. Sauvée ?

Ni la Région, ni la Province, ni les Communes ne prennent acte de son existence. Personne n’accepte le cadeau et prend en charge sa tutelle. Personne n’a su ou voulu utiliser l’énorme potentiel touristique, et donc économique, qu’elle propose dans une zone située d’ailleurs en dehors des parcours habituels, mais proche de la zone touristique de Cefalù. Personne ne l’a adoptée, la laissant orpheline et à la merci de la dégradation. Peu importe: tout en étant clandestines, les œuvres de la Fiumara sont bien visibles et restent le but privilégié d’un parcours initiatique. Presti, de plus en plus isolé, victime d’attaques mafieuses, décide de déménager à Catane pour continuer son engagement civil pour le quartier de Librino et à Palerme pour le fleuve Oreto.

En  2005, quand il se rend compte que tout le patrimoine artistique est en train de se détériorer et que l’entretien des œuvres est indispensable, le 22 avril, il décide d’opposer un refus à ce refus de l’Etat et ferme avec une énorme toile bleue la Fenêtre sur la mer en écrivant dans toutes les langues le mot « fermé ». Presti dit: “Il y a des hommes qui, dans la vie, ont la joie d’ouvrir des fenêtres sur la mer, mais les mêmes hommes ont le pouvoir de les fermer.” Par ce geste symbolique Presti décide de renverser les positions: soustraire l’œuvre aux yeux du public est un geste de grande force pour affirmer l’existence de la sculpture comme pensée, même en faisant abstraction de la matière. Cette fois-ci, c’est Presti qui dénonce tous les maires et la Région Sicilienne pour la sécurité civile. Le président de la République Carlo Azeglio Ciampi intervient dans le débat et, finalement, le 6 janvier 2006, après 25 ans de batailles, le Parc de Fiumara d’arte est reconnu, aidé par le Gouvernement régional qui a approuvé l’institution du parcours touristique et culturel de Fiumara d’Arte [...]. Le mot “fin” de cette histoire scelle non seulement l’engagement de toute une vie, mais affirme surtout une victoire “politique” de l’art, une victoire de la force de l’existence."

(source)

49°29'4.88"N 0° 6'7.87"E

 willy80 - Ven 9 Nov 2012 - 13:33
 patrice - Ven 9 Nov 2012 - 18:49
 fly972 - Dim 11 Nov 2012 - 21:09
 Parrain Pierrex - Mar 13 Nov 2012 - 10:52